Visite de saint Hervé à saint Herbot
GWEVREL LE GEANT DU MANOIR DU RUSQUEC
Gwevrel était un sacré morceau de bonhomme; il avait deux frères, aussi grands que lui. L'un appelé Gwinklaon, un homme effroyable, sa bouche à l'arrière, sur son dos, habitant Menez Toullaeron entre Spézet et Gourin; l'autre quelque part dans les bois de Laz. A la même époque ils étaient en train de bâtir leurs manoirs, les mêmes outils leur servaient, et quand ils avaient besoin d'un marteau ou d'une truelle, un cri pour le demander, et de suite les outils étaient jetés d'un manoir à l'autre. Le manoir du Rusquec étant fini, la plupart des ouvriers restèrent avec leurs familles dans les cabanes bâties aux environs pendant les travaux. Un jour vint un vieux moine appelé Herbot pour faire son ermitage dans la vallée près du Rusquec, sur les terres du géant. Il était venu là après avoir été chassé par les femmes de Berrien, où il avait auparavant son ermitage; on l'accusait d'avoir enjôlé les hommes, autant les vieux que les jeunes; au lieu d'aller aux veillées le soir, ils allaient écouter les sermons et chanter des cantique avec l’ermite. Il avait dû quitter le pays après avoir reçu des pierres lancées par les femmes; en s'en il avait jeté sa malédiction sur cette contrée, en disant "Jamais les terres de Berrien seront sans pierres" Le géant du Rusquec bien qu'il fut païen, le reçut et prêta des bœufs pour l'aider à bâtir son ermitage. Quelques temps plus tard les fermiers furent épouvantés en voyant un moine aveugle conduit par un loup venir rendre visite à Herbot. C'était Hervé, ermite du Menez Bré. Le géant quand il le vit se mit en colère : "Hopala" dit-il, "j'ai été imprudent en laissant s'installer au pays un fainéant; les fermiers passent leur temps à écouter des discours et à chanter des cantiques. A cause de cet ermite le travail n'est pas fait en temps voulu. Qu'ils s'en aillent d'ici aller prêcher et chanter dans un lieu d'où on entendra plus parler d'eux. Car s'ils testent au pays, bientôt ce sera la famine ici' Fantic, l'épouse de Gwevrel, et Laid sa fille, gagnées par la foi chrétienne et baptisées depuis peu de temps, les défendirent et les aidèrent du mieux qu'elles purent. Aussi Herbot fut laissé en paix pour un moment. Hervé ne resta guère à l'ermitage du Rusquec, car on avait besoin de lui au Menez Le géant toujours en colère se demandait comment il se débarrasserai du Saint ermite; il alla parcourir le pays pour prendre l'air; pendant ce temps Herbot commença à bâtir une église. Ce ne sont pas les animaux qui lui manquaient pour charroyer, ni les bras pour l'aider. Fantic et sa fille lui procurèrent tout le nécessaire pour ce travail, et ainsi, comme par miracle, l'œuvre fut achevée et en peu de temps une très belle église était bâtie, avec un très beau clocher. Quand le géant revint, en passant à côté de l'église : "Tiens, donc" dit-il "voilà une touffe de fougère qui a poussé bien haut", et de l'enjamber, car c'était un homme bien élevé; malgré tout le coq accrocha son pantalon à i'entre-jambes, et s'agitant pour s'en tirer, le géant fit chair le clocher coupé au niveau de la balustrade l’église est restée depuis en cet état; le géant, en tombant, fut pris sous les grandes pierres, une d'entre elles lui écrasa la tête, tant qu'il mourut trois jours plus tard après avoir reçu les sacrements du baptême. Ensuite, il fut enterré au sommet de la montagne sur un lieu plat, où on lui a élevé une tombe à sa taille, et pour l'enterrer on le plia neuf fois, et chaque pli avait neuf pieds de long. Comme tombe il avait deux rangées de grandes pierres sur le chant et couvertes par de sacrées pierres larges. On l'appelle toujours tombe de Gwevrel, quoique aujourd'hui il reste peu de choses debout de cette tombe. Car un pauvre malheureux qui avait voulu bâtir une maison au boni du grand chemin auprès de "Bez Gwevrel" trouva là des pierres bon marché et proches pour le charroi. Aussi il détruisit la tombe pour faire sa cabane. Quand Monsieur le Maire vint pour y mettre le holà, le malheur était fait. Il ne restait plus que deux ou trois grandes pierres, sur leurs côtés en terre.
On doit regretter ce méfait.
François Joncour ( son parcours en centre Finistère association "Sur la trace de François Joncour 1997)