Poullaouen la mine.

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A SUMMER IN Brittanny by Thomas Adolphus TROLLOPPE France Milton Troloppe

Un été en Bretagne : Journal de voyage d'un anglais en Bretagne pendant l'été 1839

Un été en  Bretagne ( édition  du Layeur 2002)  La visite de la mine.

Aux environs de cinq heures nous nous levâmes, en compagnie d'un des cinq étrangers avec qui nous avions soupe la veille. Il avait un homme avec lui pour transporter un énorme sac d'argent qui devait être amené aux mineurs en guise de paiement. C'était tout juste ce qu'un homme pouvait porter. Le chemin de Huelgoat à la mine est un enchantement. Nous descendîmes d'abord dans la vallée en contre-bas de la ville, où coule une rivière qui ne portait d'autre nom que "La Rivière", "L'eau des Mines", ou "La rivière d'Huelgoat". A mi-chemin de la descente pentue se trouve un petit canal d'une largeur d'environ trois pieds, qui va jusqu'à la mine tout en gardant le même niveau et suit toutes les parties inondées et les inégalités du terrain. Ce canal a été construit afin de pourvoir la mine en eau pour faire fonctionner la machine hydraulique. Le chemin bien entretenu qui mène aux travaux longe le canal. Sur la majeure partie il traverse un bois assez épais qui, ici et là, s'éclaircit suffisamment pour offrir un merveilleux point de vue sur la vallée en contre-bas. Le s4in avec lequel le canal est entretenu, ainsi que le chemin, tout comme le siège ou deux en pierre de la forêt, donnent un air de beauté de jardin à ce superbe paysage. Cela me poussa à demander si ce chemin avait été construit pour d'autres raisons que celle de communiquer avec la mine. Mon interlocuteur me répondit que lorsque les gentilshommes qui possédaient la mine venaient de Paris, ils emmenaient parfois des demoiselles et organisaient des fêtes avec de la musique dans ces bois et que c'était pour cette raison que le chemin était ainsi. Notre guide nous montra un endroit remarquable qui, lors de ces occasions festives, avait été le cadre d'un accident effroyable. L'endroit où cela s'était produit s'appelle le Gouffre. La rivière, qui traverse \ vallée en coulant dans ou sur la roche, est entièrement recouverte par celle-ci à cet endroit. Un grand nombre d'énormes rochers ont été jetés par quelque convulsion dans la plus sauvage des profusions, au fond de la vallée Entassés les uns sur les autres jusqu'à une hauteur considérable, ils forment un certain nombre d'énormes gouffres au fond desquels on entend le grondement incroyable de la rivière essayant de sortir de cette prison. L'abysse ainsi formé, visible à d'un endroit proche de la forêt, est une sorte de merveille que les étrangers adorent regarder ; c'était dans cette énorme ouverture que la dame malchanceuse tomba en glissant sur les feuilles mortes sur le bord de l'abîme.


Lorsque nous arrivâmes à la mine, à environ une heure de marche de la ville, notre premier souci fut de trouver l'endroit où résidait notre ami le chimiste. Nous n' eûmes aucune difficulté à le trouver. On nous montra une grande maison en pierre à l'allure inachevée, dont les deux étages inférieurs servaient aux tâches qu'il supervisait, tendis que le pauvre chimiste résidait sous son toit. Nous arrivames juste à temps pour suivre l'opération d'extraction de l'argent de la terre qui le contient, par le procédé de l'amalgame. Ceci se fait tous les matins de l'année, à six heures, sauf le dimanche de Pâques, qui est le seul jour de vacances que le pauvre allemand avait de l'année. Lorsque la terre rouge qui contient l'argent et qui recouvre tout juste le minerai principal, est extrait de la mine, elle est d'abord battue et lavée, ce qui en sépare une grande partie de la terre. La partie métallique est alors réduite en une sorte de pâte que l'on apporte ensuite à notre ami le chimiste. C'est ensuite placé dans quatre grandes barriques rotatives' avec une certaine quantité de mercure et un mélange de sel et de vitriol qui participe à l'amalgame ainsi que beaiicoup d'eau. Les barriques sont alors en mises en m0uvement pendant vingt-quatre heures grâce à i'énergie hydraulique, temps au bout duquel tout l'argent aura été extrait de la terre vers le mercure. L'eau et la terre sont ensuite retirées pour laisser le mercure mêlé à l'argent au fond des barriques. Ce mélange est alors pompé dans la presse hydraulique, qui sépare le mercure de l'argent en forçant la masse unie dans un cylindre avec une grande force, dont un des bouts est bloqué avec un morceau du meilleur bois de frêne possible. Cette sorte de bonde possède un diamètre de dix pouces et une épaisseur de deux ou trois. L'action de la presse force le mercure à passer par ses pores tandis que l'argent reste à l'état solide. Le peu de mercure qui y reste disparaît plus tard par évaporation à une température très élevée.

Après avoir regardé toutes ces différentes opérations, nous montâmes à la résidence du chimiste avec lui pour y voir ses travaux. Il était célibataire et n'avait que deux pièces ; l'une d'elles dans laquelle nous pénétrâmes était un exemple de désordre de célibataire. Parmi un certain nombre de volumes de chimie allemands et français, il y avait un volume de Schtller's Sàmmliche Werke et /'Histoire de France d'Anquetil. Le piano était recouvert de papiers griffonnés de calculs et de résultats de ses opérations chimiques. Sa blague à tabac était accrochée à un clou de la cheminée et il y avait un morceau de volaille dans un coin. Dans un placard on trouvait les principaux minéraux extraits de la mine et dans l'autre la vaisselle et la nourriture. Il en tira des sortes de boudins noirs, °u quelque chose de similaire, dont il se vanta comme s'ils étaient de sa fabrication, un pain et une bouteille d'alcool, qu'il nous pressa de partager avec lui avec beaucoup d'hospitalité. Comme nous n'avions encore rien mangé, nous fûmes heureux d'accepter son invitation. Les saucisses étaient excellentes, mais j'aurais aimé un peu d'eau avec mon alcool. L'allemand me le refusa catégoriquement. Cette liqueur était pauvre niais devait être dénaturée sous aucun prétexte par quelque ajout d'eau. Nous fûmes donc obligés d'accompagné notre petit-déjeuner avec un quantum sufficit d'alcool  Pendant que nous étions en train de manger avec le chimiste, un autre homme entra et nous invita ainsi que le chimiste à prendre le petit-déjeuner avec lui C'était un employé du gouvernement qui résidait à la mine afin de collecter les impôts. Il  dit qu'il avait un ami qui viendrait manger avec lui et espérait que nous    joindrions    à   lui.    Nous    n'y    fîmes    aucune objection ; nous allâmes donc tous à sa maison ; mais avant   de   quitter   l'habitation    de   l'allemand,   notre nouveau   compagnon   prit   un   reste   de   saucisse   et l'enveloppa dans une des feuilles  de calculs  pour le mettre dans la poche de sa veste, en disant au pauvre chimiste,   " Je sais que tu mets  de l'argent dans tes saucisses. Cela doit être analysé... à ma table de petit-déjeuner ". Et, malgré le propriétaire qui protestait que c'était  le   dernier   bout  qu'il  possédait,  rien   n'y   fit; l'homme donna cependant un morceau de papier propre pour l'envelopper. L'officier du fisc était aussi célibataire et habitait tout seul dans une petite maison, en meilleur état que celle de l'allemand car il avait une servante. Son petit-déjeuner ne serait prêt qu'à midi; aussi pendant l'attente, nous jouâmes avec ses chiens dans le jardin en fumant des cigares. Le petit-déjeuner s'avéra excellent et abondant et nous aurions pu épargner la saucisse volée. Celle-ci fut en effet vite mise en pièce et le pauvre allemand qui ne savait s'il devait rire ou pleurer, en garda néanmoins un petit bout.

Après le petit-déjeuner, nous avons pris congé de notre hôte et sommes allés voir le procédé d'extraction du plomb de la terre qui le contient. Cela est accompli par une centaine de femmes dans un énorme bâtiment ressemblant à une grange. Un nombre identique de tables inclinées sont rangées côte à côte à deux pieds d'intervalle sur tout le bâtiment. Un courant d'eau coule sur ces tables, pouvant être arrêté ou mis en route par la femme qui y travaille. La matière ,arrivant de la mine est d'abord battue jusqu'à ce qu'elle soit poussière,  puis  est mise  dans de petites   boîtes transportées  sur  des perches,   comme une  chaise   de berline, par deux filles et jetées en bout de table. Le rôle des femmes est alors de faire arriver de l'eau en petites quantités et, grâce à une sorte de râteau et une brosse faite de brins de balais, de soigneusement laver la matière minérale jusqu'à ce que les particules   de terre partent avec l'eau et que les grains plomb restent, bleus et brillants, sur la table. .Toutes les femmes qui faisaient ce travail étaient jeunes et apparemment parfaitement saines. On me dit pourtant que chacune d'entre elles avaient la gale. Elles avaient pourtant l'air parfaitement heureuses, quelques unes discutaient, beaucoup chantaient si l'on peut appeler le son monotone qu'elles répètent sans arrêt un chant. Ces femmes reçoivent seulement neuf sous par journée de travail de douze heures. Les mineurs reçoivent dix-neuf à vingt sous par jour pour le même nombre d'heures.

Nous demandâmes au sous-directeur la permission de descendre dans la mine ; il nous dit qu'à six heures, lorsque le groupe de jour remonterait et que celui de nuit descendrait, nous pourrions y aller. Nous attendîmes en nous promenant dans la vallée dont un des flancs abrite la mine. A environ cinq heures et demie on entendit une énorme cloche et les .mineurs de nuit se rassemblèrent. Des visages glauques commencèrent à sortir des bois qui couvraient les flancs de la vallée. Le plus réaliste des observateurs n'aurait pas pu s'empêcher d'être un Peu excité par la vue de ces hommes bizarres. Alors que le paysage se retrouvait soudain peuplé de ces formes crépusculaires, ils auraient pu être des esprits de la terre, appelés à la surface par cette -cloche, gardiens des trésors  sous-terrains de la Nature, - une équipe de ces gnomes qui

" Their empire keep

From a few fathoms deep,

Down, down, down,

Down thé very center.

Avec leurs traits fins et hagards, leurs traits figés, leurs longs cheveux tombant sur les"épaules, leur uniforme composé d'une veste et d'un pantalon de laine miteux et leur lampe attachée à la ceinture, ils formaient la troupe la plus surnaturelle que j'aie jamais vue. Leur apparition nous annonça qu'il fallait que nous nous préparions aussi à descendre. Nous retournâmes donc à la maison du sous-directeur, qui nous avait gentiment promis de nous prêter des vêtements appropriés à enfiler par-dessus les nôtres. Nous étions maintenant totalement équipés, en tenues de mineurs et chacun avec sa lampe ; et M. le Roux, le sous-directeur, nous accompagna de sa maison jusqu'à la foule de mineurs qui se trouvait maintenant rassemblée devant un bâtiment près du puits, là où ils rangent leurs outils et où, avant de descendre pour la nuit, ils remplissent leur lampe à huile auprès d'une énorme citerne. Là nous fûmes confiés au contre-maître, qui avait comme directive de nous montrer toutes les parties de la mine et de nous ramener sains et saufs à la surface. Il y a plusieurs puits qui descendent dans cette très grande mine . Certains sont juste utilisés pour sortir le minerai et d'autres pour la rentrée et la sortie des hommes ; les cordes utilisées sont toujours neuves afin de prévenir les accidents car elles s'usent très vite. Nous pénétrâmes dans le flanc de la colline par un passage horizontal, que le canal dont j'ai déjà parle emprunte aussi pour faire son travail. En effet, la pompe hydraulique qu'elle actionne est dans la mine et ^ une distance considérable de la surface.

Cette machine, la seule en France, construite par M. Juncker, un ingénieur des mines allemand, fut un grande réussite d'ingénierie pour les mines. Le principe utilisé est le même que celui des machines dans les énormes mines de sel autrichiennes ou allemandes. Mais là-bas, l'ingénieur pouvait construire ses machines à l'air libre, avec autant d'espace qu'il désirait. Ici, les différentes parties du moteur, toutes aussi importantes pour le fonctionnement et la précision, devaient être montées dans un tout petit espace confiné au cœur de la terre. Au lieu d'avoir des assises solides pour le construire, l'ingénieur fut contraint de faire appel à ses propres solutions afin de trouver les moyens de soutenir l'énorme poids de la machine par rapport aux abysses d'en-dessous. Cette difficulté avait été surmontée de main de maître et une partie de la stabilité était due à la machine, ce qui est très rare. Je ne perçus aucune vibration de la machine de M. Juncker, même en plaçant ma main sur différentes parties. En septembre 1835, un rapport de M. Arago, fait à l'Académie des Sciences à propos de cette machine, finissait par ces mots : " Tant d'études, tant d'ingénieuses combinaisons, tant de travaux, tant d'expériences n'ont pas été en pure perte. La machine de Huelgoat a réalisé toutes les prévisions de la science. Depuis trois ans et demi, elle fonctionne nuit et jour et la régularité, la douceur, la souplesse de ses Mouvements, l'absence complète de bruit, ont été un Sujet d'admiration pour les ingénieurs des différents Pays qui l'ont examinée. Il est vraiment regrettable qu'une machine si belle, si puissante, si habilement exécutée et qui fait tant d'honneur à notre industrie (II aurait été plus juste de dire à M. Juncker, un allemand et à son amélioration d'un modèle allemand) soit  reléguée à l'une des extrémités de la France, dans un canton rarement visité. " Après avoir inspecté toutes les parties de cette machine   gigantesque,   que   nous   avions   atteint   en descendant des  échelles,   nous   suivîmes  notre  guide jusqu'à une ouverture d'un grand puits carré. " Messieurs,  votre voiture vous attend ", dit-il en montrant un énorme panier suspendu en l'air. Nous montâmes dedans tous les trois et après que notre guide ait signalé aux hommes du haut que nous pouvions y aller, nous commençâmes notre descente à une vitesse régulière et modérée. Alors que nous n'avions voyagé que quelques minutes, éclairant ici et là lorsque nous traversions une obscurité épaisse, notre descente s'arrêta à nouveau et nous atterrîmes dans un autre passage du vaste labyrinthe de tunnels de la mine. Après avoir marché pendant dix minutes, en pataugeant à certains moments dans l'eau jusqu'aux chevilles et en nous cognant la tête à d'autres, nous arrivâmes à un endroit où des hommes travaillaient une veine de terre rouge qui contenait de l'argent. Il apparut qu'elle n'était pas très dure et que le travail était facile. De petits échantillons d'argent natif, comme on l'appelle, sont parfois trouvés ; et avant de quitter la mine je m'en procurais un mais nous ne réussîmes pas à en trouver nous mêmes.

Nous  retournâmes   à l'ouverture   du puits,   au panier qui nous attendait patiemment, en laissant les travailleurs de l'argent  derrière  nous.  Nous   nous embarquâmes encore une fois et donnâmes le signal de descente ; en effet, je souhaitais voir aussi le travail du minerai de plomb qui était, comme nous l'avait dit notre ami     allemand,     "blus     pas".   Nous  descendîmes doucement au niveau d'une autre galerie et marchâmes un peu plus longtemps jusqu'à rencontrer un groupe de mineurs qui venaient de finir de creuser un trou,  de deux pieds de profondeur dans la roche et après avoir arrangé leur poudre et leur allumette, furent  sur  le point d'y  mettre le  feu.  Ils   nous  crièrent   de nous reculer et nous nous plaçâmes à l'abri de la roche ,qui nous protégea de l'explosion. L'explosion fut incroyable et les échos continuèrent de rouler dans les C0liloirs plus longtemps que je n'aurais cru. L'air aussi était considérablement chargé et il se passa plusieurs avant que la fumée n'ait complètement disparu. s retournâmes une fois de plus à notre panier et cette fois-ci, après avoir donné le signal de remontée à |a surface, nous remontâmes rapidement, sains et saufs mais complètement défigurés et ressemblant beaucoup plus à des mineurs qu'à notre descente.

Toute personne qui est descendue dans une mine doit avoir remarqué l'extraordinaire sensation que l'on ressent en émergeant des ténèbres à la lumière éclatante d'une journée d'été. Ce n'est pas seulement l'œil qui est touché. La surface du corps, le nez, les poumons, sont tous sensibles à ce changement soudain, d'une façon qui montre à quel point toute partie du corps peut s'adapter à toutes les circonstances sans entièrement attaquer les fonctions vitales. Après nous être changés et débarrassés de l'huile, du noir de la lampe et de la boue qui recouvraient notre visage et nos mains, il était près de neuf heures et nous commençâmes à nous inquiéter que la Veuve Madec ne nous attende pas et ferme sa maison avant notre arrivée à Huelgoat ; surtout que maintenant nous avions à porter tous les échantillons que nous avions pris à la mine.

Les trésors qui sont enfermés dans le sol de cette vallée sont connus depuis longtemps. M. de Fréminville dit que la mine est exploitée depuis quatre siècles Mais je pense que l'on peut associer une date bien antérieure au premier percement de ce sol. La mine de Huelgoat est beaucoup plus riche que celle de Poullaouen et les travaux de mine sont bien plus considérables. J'ai lu quelque part, dans une étude statistique, que la quantité préparée chaque année pour les hauts fourneaux est en moyenne de 1 100 000 kilogrammes, ce qui produit 715 000 kilogrammes de plomb et 733 kilogrammes d'argent. Cette quantité d'argent est exclusivement obtenue ; partir de la terre rouge de la manière décrit, auparavant. On se rendit compte seulement des années plus tard que cette terre avait de la valeur et que d'immenses quantités de celle-ci avait été jetées parfois dans des endroits où il est possible de la récupérer aujourd'hui afin de la soumettre au procédé d'amalgame. Tout la fonte est faite à Poullaouen et nous voulûmes y aller après avoir visité Huelgoat. Mais, comme le procédé de fonte n'a rien de nouveau ni d'intéressant, que la mine est plus petite que celle de Huelgoat et qu'il restait des choses à voir dans les environs, nous décidâmes de consacrer la journée destinée à Poullaouen à une nouvelle randonnée dans le voisinage.

Malgré notre chargement et la beauté de la soirée qui nous donnait envie de traîner ici et là lorsque nous traversâmes les bois, nous arrivâmes chez Mme Madec avant dix heures et fûmes agréablement surpris de voir qu'elle avait deviné que nous serions en retard et affamés. Elle nous attendait donc mais avait aussi préparé un souper qui nous attendait sur le feu.